Grèce : quand Syriza ménage l’Église

La puissance de l’Église orthodoxe déborde largement le champ du religieux ! Et Tsipras, qui le sait, multiplie les signes bienveillants à son égard.

PAR , À ATHÈNES. 

Publié le 24/01/2015 à 08:55 sur Le Point.fr

Si Alexis Tsipras venait à gagner les élections législatives de dimanche, il serait le premier chef d’État grec à ne pas être marié. Le leader de Syriza, athée déclaré, vit en concubinage, et est le père de deux enfants non baptisés. Tout pour déplaire à la puissante Église orthodoxe grecque ! Mais dans un pays où 90 % de la population se déclare de confession orthodoxe, le leader du Syriza (gauche radicale) a compris l’importance de séduire un électorat croyant. Depuis un an, Tsipras a opéré un rapprochement avec le clergé.

En août dernier, il s’était rendu au mont Athos, lieu sacré de l’orthodoxie grecque. Une visite qui n’avait pas plu à tout son parti. Hélène Portaliou, membre du Comité central du Syriza, lui avait alors demandé à cette époque de prendre des engagements pour l’imposition des biens de l’Église, deuxième propriétaire terrien du pays. Plus récemment, Alexis Tsipras était invité au Pirée par l’archevêque Ieronymos, le chef de l’Église grecque, pour fêter l’Épiphanie. L’archevêque était également présent lors de l’enterrement du père du leader. De même sur les questions du mariage et de l’adoption pour les homosexuels, Alexis Tsipras est resté très prudent. “C’est un sujet difficile et nous allons l’étudier, mais cela ne fait pour l’instant pas partie de notre programme”, a-t-il souligné lors d’un débat télévisé.

“Syriza d’aujourd’hui n’a rien à voir avec les partis d’extrême gauche, proche du léninisme et anticléricaux. Il a ouvert un dialogue avec l’Église grecque, plutôt bien accueilli des deux côtés”, soutient Georges Patronos, professeur de théologie.

Magot

Dans son programme, le Syriza affirme qu’il mettra fin aux exonérations fiscales nombreuses en Grèce. Mais les discours virulents d’Alexis Tsipras et d’autres membres du parti se dirigent davantage contre les oligarques, notamment les armateurs, que contre l’Église. Or, le clergé, selon des estimations circulant dans la presse grecque, possède une fortune variant de 700 millions à 2,5 milliards d’euros.

 

Par ailleurs, Alexis Tsipras interrogé sur le réseau social Twitter au sujet de la séparation de l’Église et de l’État défendue par son parti ne s’est pas engagé outre mesure. “Une rationalisation de la relation est nécessaire”, a-t-il évasivement répondu. Pour Georges Patronos, “Syriza au pouvoir n’osera pas entreprendre la séparation de l’Église et de l’État. La société grecque est encore régie par l’orthodoxie et elle n’est pas prête à un tel changement”.

Alexis Tsipras espère séduire dimanche les croyants qui avaient hésité à voter pour lui en 2012. Il tient compte aussi du rôle social éminent joué par le clergé pendant les quatre années d’austérité en Grèce : soupes populaires, fourniture de médicaments… Syriza aura besoin de l’Église si, comme il s’y est engagé, il veut mettre fin à la “crise humanitaire” dans les premiers mois de son mandat.

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